Régulièrement, j’essaierais de défendre l’arrivée ou le retour de circuits au calendrier de la Formule 1
Cela fait maintenant deux ans que le Grand Prix de France est de retour au programme de la saison de F1 grâce au circuit Paul Ricard et un constat s’impose : c’est un échec. Grand Prix pauvre en spectacle deux années de suite, tracé peu aimé des pilotes et circuit difficile d’accès pour les fans, la copie rendue par les organisateurs fait peine à voir, et l’on peut légitimement déjà s’interroger sur la pérennité de l’ensemble, à trois ans de la fin du contrat actuel. Alors comment continuer à profiter d’un Grand Prix en France pour pilotes et fans tricolore tout en s’assurant que le reste de la planète soit ravi de ce rendez-vous ? La réponse est toute trouvée : retournons à Magny-Cours.
Politique, encore et toujours
Le circuit de Nevers Magny-Cours situé dans la Nièvre, a accueilli la F1 sans interruption entre 1991 et 2008, et son histoire a souvent été liée à la politique. Le lieu a tout d’abord été choisi pour la relation qu’entretenait la région avec François Mitterrand, alors président de la République et fut dessiné en s’inspirant des circuits les plus emblématiques de l’époque pour réaliser un tracé technique qui pendant plus de 15 ans s’est établi comme un des rendez-vous traditionnel de ce calendrier. Sauf qu’une autre figure politique décida que s’en était assez de Magny-Cours : Bernie Ecclestone.
Le grand argentier de la Formule 1 s’est attaqué à partir de 2005 au circuit et au promoteur de l’évènement, la FFSA, prétextant que la F1 n’avait pas besoin d’un Grand Prix en France, un Grand Prix à Monaco existant déjà (la principauté a alors dû être ravie d’apprendre son annexion à la France par Bernie 1er), que le circuit n’avait rien de glamour, ce que l’on peut difficilement contester, étant situé au milieu d’une des régions les moins peuplé de France et que les projets de circuit à Valence et à Yeongam collaient beaucoup plus à l’image de la F1. Un circuit dans un port et un autre dans un champ donc, qui disparaîtront après 5 et 4 éditions respectives. Il est aussi intéressant de noter que c’est à cette époque de Bernie Ecclestone rachète le Paul Ricard, un circuit situé à seulement 140km de celui de Monaco. N’y voyez aucun conflit d’intérêt, bienvenue en F1.
Hongrie et réduction de trainée
Reste que Bernie a raison sur plusieurs points et que le circuit fut longtemps décrié par les équipes et spectateurs pour des éditions sans spectacles. Mais alors en quoi reprendre ce circuit serait une révolution par rapport au Paul Ricard si c’est pour arriver au même résultat ? La solution tient en 3 lettres : DRS ou Drag Reduction System. Introduit en 2011, ce système désormais familier de tout fan de F1 a permis d’opérer une révolution bien plus importante que l’on ne pense. Jusqu’à l’année 2011, se rendre au Hungaroring était une tannée pour bon nombre d’entre nous, le tourniquet hongrois étant synonyme de sieste dominicale. Sauf que depuis tout a changé, sur les 9 éditions disputées avec le DRS, difficile d’en trouver plus d’une qui fut réellement une purge. Grace aux 2 zones DRS permettant des dépassements simplifiés, les pilotes ont tenté des stratégies bien plus audacieuses, permettant des finish à suspens à maintes reprises. Et l’installation de deux zones de DRS est largement possible à Magny-Cours, la première se situant naturellement entre Estoril et Adelaide, dans la ligne droite de Golf et la seconde étant placée après le virage de Château d’Eau. Et la largeur moyenne de la piste du Hungaroring n’est pas différente de celle du circuit français, 10.8m chacun.
S’inspirer de Zandvoort
Alors certes, le Hungaroring est actuellement la seconde piste la plus étroite après Monaco, mais il est difficile d’aménager le circuit en l’état, ce qui n’est pas le cas de Magny-Cours. Si il est possible aujourd’hui de courir dans la Nièvre, puisque le circuit possède le Grade 1 FIA nécessaire pour y voir un Grand Prix de F1 s’y dérouler et étant donné que le paddock a été remis à neuf il y a maintenant 5 ans, des légers travaux permettraient d’enfoncer définitivement le clou et il serait bon de regarder du côté des Pays-Bas pour s’inspirer. Si le monde de la F1 loue actuellement les travaux faits à Zandvoort essentiellement pour les deux bankings, la piste batave a été aussi retouchée dans les zones pouvant amener des dépassements, étant légèrement élargie sans pour autant perdre son tracé initial. Et Magny-Cours a de quoi pousser les murs ! Hors voie des stands, le circuit possède au minimum une distance de 5 mètres entre la piste et le rail dans les portions droites. Sur le calendrier 2020, plus de la moitié des circuits n’atteignent pas ce chiffre, et la moitié ont une seconde zone DRS moins longue que Magny-Cours. Le circuit nivernais pourrait donc s’élargir et se rapprocher des standards actuels de circuits comme Mexico ou le Red Bull Ring, deux circuits ayant eu le droit à une seconde chance, sans pour autant perdre ce qui fait leur cachet.
Remettre les fans au centre de l’évènement
J’ai eu la chance d’assister à une édition du Grand Prix de France à Magny-Cours, celle de 2007 et c’est un circuit fait pour les fans. D’abord parce que la majorité des tribunes permettent de voir plus de la moitié du circuit, offrant une visibilité de l’action que peu de circuits peuvent concurrencer. Ensuite parce que son tracé même laisse un immense espace à l’intérieur de l’enceinte pour tout le village F1. C’était déjà le cas en 2007, époque où pourtant peu de monde en F1 semblait concerné par l’importance des fans, et ça le serait évidemment encore plus à l’heure actuelle, offrant un terrain de jeu à Liberty Media et aux écuries. Enfin, contrairement au Paul Ricard, l’immense camping situé tout autour du circuit de Magny-Cours permettant de rassembler les fans durant tout le week-end, pour encore embellir l’expérience. Et ce que j’ai ressenti n’est pas que mon avis personnel. Sur les différents tracés que j’ai visité, j’ai pu échanger avec des fans du monde entier et pour ceux qui avaient pu faire un tour dans la Nièvre, la proximité des fans par rapport au circuit n’avait que deux égaux : Silverstone et Le Mans.
Magny-Cours n’aurait jamais dû quitter la F1. Ce circuit était taillé pour la réglementation aéro 2009-2016 et n’a jamais pu y faire ses preuves. A l’heure actuelle encore, il doit faire face à des critiques souvent injustifiées. Sa ligne droite des stands est courte ? Elle permet d’accueillir 26 monoplaces au départ et la distance jusqu’à premier virage est la même qu’à Baku. Le premier virage n’en est pas vraiment un, augmentant le risque d’accident ? Regardez Silverstone, Shanghai ou Suzuka, des circuits habitués du calendrier depuis des années. Le tracé n’est qu’une compilation de virages d’autres circuits ? C’est aussi le cas d’Hanoi et d’Austin et pourtant ils ont vu ou verront bientôt des F1 courir. Le calendrier possède déjà avec Barcelone et Monaco deux circuits sur la côte méditerranéenne, aspirant les potentiels spectateurs du Grand Prix de France, là où Magny-Cours offre une solution plus proche à tout le bassin parisien et la Bretagne. Sauvons le Grand Prix de France, retournons à Magny-Cours.
Clément Chatellier
Crédits photos :
Essai Mercedes 2012 : AutoHebdo
Photo aérienne de Magny-Cours : Château d’Azy
Plan du circuit : Ultimate Cup Racing
Virage d’Adélaïde : Mapio
Fan Zone Magny-Cours: World Superbike