Et si le timing était parfait pour permettre à l’IndyCar de devenir ce que ce championnat a toujours rêvé d’être ?
Budgets plafonnés et triple couronne
Mercedes, Red Bull et Ferrari l’ont annoncé : avec les budgets capés, il faudra se diversifier. Que ce soit à Brackley, Milton Keynes ou Maranello, le passage d’un budget alloué à la F1 de 400M$ à 145M$ obligera forcément à redéfinir le fonctionnement de l’entreprise si ces trois teams ne veulent pas licencier. Alors vers quelle réglementation aller ?
Ces derniers temps, deux voies se sont détachées comme étant crédibles pour cette diversification que recherche tant le big three. D’un côté, le serpent de mer LMH /LMDh, cette double réglementation permettant d’arriver au Mans au choix avec un prototype dérivé d’une hypercar ou avec une LMP2 modifiée accueillant un bloc moteur hybride que l’on construit soi-même. L’autre direction possible pour une diversification est donc l’IndyCar, ce championnat Nord-Américain alternant circuits urbains, ovales et routiers. Et pour moi c’est vers cette direction que le big three doit aller.
Red Bull, déjà présent
Alors pourquoi l’IndyCar plutôt qu’un autre championnat international comme le WEC ? Et bien parce que les liens entre l’Indy et le big three sont plus forts qu’il n’y parait. Prenons le cas de Red Bull. La firme autrichienne est en lien depuis quelques temps avec l’Indy puisqu’elle fournit depuis 2020 les fameux aeroscreens qu’elle développe depuis 4 ans. Outre ce lien technologique, il ne faut pas oublier que Honda, partenaire moteur de Red Bull en F1, est l’un des deux motoristes sur la grille en IndyCar avec Chevrolet. Enfin, Red Bull a déjà en quelque sorte une structure en IndyCar à travers Carlin, l’écurie britannique présente depuis 2018 en Amérique du Nord a toujours été un lieu d’accueil pour les membres du Red Bull Junior Team.
Mercedes, aux bons souvenirs
Mercedes, déjà présente en IndyCar dans les années 90 à travers sa collaboration avec Penske, est elle aussi attachée à la série Nord-Américaine. Ses liens avec Penske ne se sont jamais vraiment rompus, en témoignent les échanges entre les deux structures au cours des 12 derniers mois pour une entrée au capital de Mercedes F1 par cette dernière. La gargantuesque équipe étatsunienne possède aujourd’hui trois voitures sur la grille, mais aussi les droits tout entier du championnat et le circuit le plus prestigieux avec Indianapolis (un peu comme si Ferrari, Liberty Media et Monza n’étaient qu’une seule entité). Une entrée par la grande porte s’offre donc à Mercedes, qui pourrait en plus s’allier à McLaren, écurie engagée depuis 2020 à temps complet en IndyCar et qui retrouvera des blocs moteurs allemand à partir de 2021 en F1.
Stratégie marketing
Quand à Ferrari, pourquoi le constructeur italien irait tourner sur ovale ? Tout simplement pour Philip Morris International, son principal financeur. Tout le monde sait les liens puissants qui unissent la Scuderia au mastodonte du tabac et l’IndyCar, avec ses voitures habillées aux couleurs des sponsors, est un lieu d’exposition idéal pour le fameux Mission Winnow, publicité déguisée que la France a interdite mais que les Etats-Unis autorisent. Aussi, il n’est guère étonnant de voir aujourd’hui Ferrari discuter directement avec Penske, les patrons du championnat, et Andretti, qui possède aujourd’hui 5 voitures à temps complet. L’objectif des Italiens est clair : une entrée en IndyCar d’ici 2022.
Repenser le championnat
Mais alors quels sont les intérêts pour Penske et l’IndyCar de faire venir le big three ? Pour moi il doit y en avoir un en priorité : internationaliser le championnat. Dans son histoire, l’Indy, sous ses différents noms, s’est rendu aux 4 coins du globe pour courir sur les circuits urbains, routiers et ovales du monde entier. Mais aujourd’hui, quel est l’intérêt de courir sur des circuits routiers et urbains ailleurs qu’en Amérique du Nord puisque la Formule 1 et la Formule E prennent déjà ces marchés ? En réalité aucun, et c’est pour cela que Roger Penske et son équipe doivent prendre une décision radicale : faire de l’IndyCar un championnat 100% ovale. Attention fiction.
Actuellement, 5 circuits ovales accueillent l’Indy aux USA : Indianapolis, Texas, Gateway, Iowa et Richmond. On peut ajouter Pocono, présent jusqu’à l’année dernière et l’on a une base locale solide. A cette base on peut alors ajouter deux circuits au Canada et deux au Mexique. Le Canada Motor Speedway, actuellement en construction, et Sanair, à la recherche d’un repreneur, seraient des lieux idéals au Canada quand le Mexique possède, avec Chiapas et Puebla, deux speedways de niveau international.
Et ailleurs ?
Dès lors, il convient de ne pas oublier ce qu’est Roger Penske : un businessman. La Penske Entertainment Corporation, maison mère du circuit d’Indianapolis, a pour ambition de devenir l’égale de Dover Motorsport, International Speedway Corporation et Speedway Motorsport. Trois sociétés qui se partagent 26 speedways à travers le pays, ne laissant pas de place à la concurrence. Alors où Roger Penske pourrait-il aller chercher de nouveaux circuits à ajouter à sa société ? La réponse se situe au-delà des frontières américaines et Sanair n’est qu’un exemple.
Il suffit d’observer l’état actuel des speedways à travers le monde pour se rendre compte que Penske et l’IndyCar ont une opportunité unique devant eux. Aujourd’hui, on dénombre en dehors de l’Amérique du Nord seulement 6 circuits répondant aux critères d’un ovale digne d’accueillir l’IndyCar. Motegi, au Japon (d’ailleurs propriété de Honda) ainsi que l’Eurospeedway en Allemagne sont aujourd’hui en état d’accueillir une course dès 2020, comme ils l’ont déjà fait dans le passé.
Le cas des quatre autres circuits est bien plus alarmant. Rafaela, en Argentine, n’accueille aujourd’hui plus de compétition sur sa partie speedway, celle-ci ne répondant pas aux normes de sécurités pourtant assez faible en Argentine. Rockingham, au Royaume-Uni, a été vendu à des investisseurs qui veulent en faire un hub de test pour les constructeurs automobiles et y condamner les compétitions. Quant au Phakisa Freeway, en Afrique du Sud, et au Thunderdome, en Australie, ils sont aujourd’hui laissés à l’abandon. Penske a sous les yeux quatre circuits, tous ovales avec des formes différentes, qui n’attendent que lui pour de nouveau briller sous les projecteurs.
Un calendrier pas si différent
En reprenant les différents circuits évoqués, on arrive à un calendrier de 16 courses, légèrement plus court que les 17 courses prévues en 2020 avant l’arrivée du COVID, dont 10 directement en Amérique du Nord et seulement 6 nécessitant un transport autre que par camion. C’est dans cette voie que Roger Penske et son équipe doivent s’engager. L’envie du big three d’arriver en IndyCar et leur puissance financière doivent permettre de nouveau à ce championnat de briller sur les 6 continents, tout en conservant sa base nord-américaine. Un championnat disputé à 100% sur speedway serait une proposition radicale et alléchante pour bon nombre de fans, pilotes et sponsors, avec en point d’orgue les mythiques Indy 500. Le côté international de la série permettrait à certains pilotes, parfois réticents à l’idée de courir dans un championnat local, de franchir le pas.
Tout ceci n’est que fiction bien sûr, mais l’envie du big three d’arriver en IndyCar est bien réelle et j’espère simplement qu’ensemble ils prendront les bonnes décisions pour le futur de la discipline.
Clément Chatellier
Crédits photos
IndyCar Texas Motor Speedway : dazn.com
Red Bull IndyCar aeroscreen : franceracing.fr
Penske-Mercedes PC-23 : autosport.com
Autodromo Puebla : wikimedia.org
Calder Park Thunderdome : businessinsider.com