Dix ans après sa création, le championnat du monde d’endurance opère sa première grosse mue. L’occasion de repenser ses catégories.
Lorsque le WEC fut créé en 2012, l’objectif était de poursuivre sur la lancée de l’Intercontinental Le Mans Cup née deux ans plus tôt. Une façon de mettre un toit à la pyramide dont la base était les trois championnats continentaux (Asian, American et European Le Mans Series). Aussi tout naturellement, le WEC reprit les 4 catégories déjà présentes au Mans et en IMLC :
- LMP1
- LMP2
- GTE-Pro
- GTE-Am
Le LMP1 a disparu fin 2020, le GTE-Pro connait en 2022 sa dernière saison et le GTE-Am finira en 2023. Seul reste le LMP2, dernier des mohicans.
Tout le monde ralentit ma bonne dame
Durant ses premières années d’existence, le WEC a vu les constructeurs arriver en nombre en LMP1 et GTE, créant des voitures de plus en plus rapides. Les deux symboles de cette évolution sont sans nul doute la Porsche 919 Hybrid, sorte de F1 déguisé, et la Ford GT LMGTE, plus prototype que GT. Aussi, l’ACO a réagi avec une nouvelle réglementation LMP2 en 2017, ne sélectionnant que 4 constructeurs quand 7 modèles différents étaient présents l’année d’avant.
Des LMP2 plus rapides que jamais, sur lesquelles l’IMSA basa son DPi et qui faillirent gagner Le Mans au général grâce au DC Racing. Sauf que depuis, Audi, Porsche, Ford, BMW et Aston Martin sont partis, laissant la place à des privés en LMP1 et à rien du tout en GTE. Surtout, le LMP1 a laissé sa place à des LMH pour le moment loin d’être aussi rapides et le GTE va disparaitre au profit d’un GT3 lui aussi plus lent. Dans ces conditions, les protos LMP2 ont été ralentis en WEC en 2021 alors que leur performance n’a pas bougé en IMSA, ELMS et ALMS. Oui désormais courir en championnat du monde implique une voiture moins rapide qu’au niveau continental. Un non-sens qui en plus devient néfaste pour la performance de ces autos.
Faire le nombre
Lors du départ des constructeurs, les grilles LMH et GTE-Pro sont devenues faméliques. La saison 2022 a commencé avec 4 LMH et 5 GTE-Pro. Dans ces conditions, l’accès aux LMP2 a été élargi à des équipages contenant 2 pilotes silver ou 1 bronze afin de remplir le vide actuel. C’est donc 15 LMP2 qui prennent part à cette saison 2022, soit le triple de certaines saisons d’avant 2017.
Mais cette situation va changer drastiquement en 2024. L’arrivée conjointe du LMH et LMDh en Hypercar va amener un total de 11 constructeurs différents potentiellement. De même, le passage au GT3 se fera avec 11 à 14 constructeurs engagés. Et que ce soit en Hypercar où en GT3, de la compétition client sera autorisée voir encouragée en GT. Dans ces conditions, la grille pourrait rapidement se remplir d’une trentaine d’auto sans avoir recours au LMP2. Aussi, en avons-nous encore besoin ?
Les amateurs en question
Prenez tous les autres championnats de la FIA. F1, WRC, WRX, WTCR et FE. Les amateurs sont-ils conviés à courir ? Non. Les moins bons pilotes de ces catégories, parfois des pilotes payants, restent tous gold ou platinium et participent au niveau élevé du championnat. Alors pourquoi le WEC garderait-il ses amateurs ? A chaque manche cette saison, entre 30 et 40 amateurs, bronze ou silver, sont sur la grille. Est-ce bien sérieux ?
Pour ces pilotes, la pyramide actuelle offre l’embarras du choix. IMSA, ELMS et ALMS pourront toujours les accueillir et surtout permettre aux LMP2 de retrouver leur puissance maximum dans les 2 derniers cités. De plus, ces LMP2 et leurs équipages moins talentueux auront toujours le droit, comme le GT3-Am, de venir aux 24h du Mans puisque c’est l’histoire de cette épreuve. L’intérêt voire la participation déjà confirmée de certains des meilleurs teams LMP2 à l’hypercar pose aussi question. Veut-on vraiment d’une catégorie LMP2 en WEC sans Jota, United Autosport ou WRT ?
Dans ces conditions, on pourrait imaginer un WEC avec uniquement de l’Hypercar et du GT3-Pro, les deux réservés à des pilotes platinium ou gold. On sait déjà que le GT3 n’aura aucun mal à remplir ces conditions puisqu’aux seules 24h de Spa 2022, on retrouve 22 équipages Pro. Quand à l’Hypercar, 6 constructeurs sont déjà confirmés pour 2023 et un 7ème arrivera en 2024. De quoi enfin faire du WEC un championnat 100% professionnel et les 24h du Mans de nouveau une rencontre entre pro et amateurs.
Clément Chatellier
Crédits photos :
Photo de couverture : Sportscar365
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