Entre les aspirations futures du public et l’enseignement du passé, il est peut-être temps de revoir entièrement le fonctionnement de la F1 à travers les équipes qui composent le championnat.
L’avis qui suit est bien évidement personnel et au sein même de la rédaction de Multi21, tout le monde n’est pas d’accord avec ma pensée, aussi je ne parle qu’en mon nom concernant cette opinion.
Grands constructeurs contre teams privés
Depuis le commencement de la F1, le championnat a toujours été composé de deux types d’écurie : les grands constructeurs et les écuries privées. Que l’on soit clair tout de suite, je considère Ferrari, McLaren, Lotus et Brabham comme des écuries de course avant d’être des constructeurs. Ces écuries privées sont souvent arrivées en F1 par passion pour la course automobile et ont écrits certaines des plus belles pages de la F1, gagnant même 54 des 64 titres constructeurs depuis la création du trophée en 1958. Les grand constructeurs, quant à eux, sont surtout venu en F1 pour des raisons marketing, et donc un besoin de domination quasi immédiate sous peine de retrait du championnat. Ils sont donc venus puis partis selon les stratégies de leur board.
Ces vingt dernières années, le nombre de constructeurs de voitures de route venant en F1 a considérablement augmenté, au point que ces écuries soient parfois majoritaires sur la grille. Mais leur durée de vie est souvent plus courte que celle d’un team privé n’ayant pour seul but que la course auto. Un turn over visible depuis le début des années 2000 avec les courts passages de Toyota (2002-2009), BMW (2006-2010), Honda (2006-2009), Jaguar (2000-2004), Spyker (2007-2008), le court retour de Renault (2016-2020) avant de devenir Alpine ou encore les arrivées récentes d’Alfa Roméo et Aston Martin. Dans le même temps, Williams, Ferrari et McLaren n’ont pas bougé d’un pouce et Red Bull s’est établie sur la durée. Alors finalement, ces va-et-vient des grands constructeurs sont-ils bons pour la F1 ?
Mon opinion est que le futur de la F1 doit se faire sans ces grands constructeurs. A la fois pour faire écho au passé de la discipline et pour s’inscrire dans les attentes des nouvelles générations.
Le sens de l’histoire
Lorsque l’on demande aux fans de F1 qu’elle est la plus belle période de l’histoire du championnat, beaucoup répondront les années 70. Parce que l’esprit autour de la course représentait un certain pan de l’histoire mais aussi parce que la F1 n’était alors composée que de passionnés de course auto. Après la domination des constructeurs dans les années 1950 (Mercedes, Alfa Roméo) et leur retour dans les années 2000, la décennie 70 représente le point culminant de la F1 des teams privés. Sur la grille, pas de constructeurs (hormis Ferrari, mais la Scuderia fut avant tout une écurie de course), une réglementation simple permettant à chaque team de faire son propre châssis (Lotus, Tyrrell, March, etc.) et quelques motoristes seulement (Cosworth, BRM et Ferrari pour les plus réguliers).
Des châssis proches et la fourniture de moteurs comme seule voie d’accès pour les grands groupes, une formule qui ressemble à celle mis en place depuis plusieurs années déjà en IndyCar et Super Formula. Deux championnats spectaculaires, où le titre se joue en majorité sur les talents de pilotes et non sur la super puissance financière. Et ça tombe bien. En 2022, entre le budget capé et la philosophie de rapprochés les châssis, la F1 entre plus que jamais dans un modèle proche de l’Indy et de la SF. A l’heure où les nouvelles générations de fans de sports veulent un combat plus sportif et moins politique, interdire l’accès à la F1 aux grands constructeurs permettrait de se rapprocher de cette pureté recherchée.
L’hypocrisie sportive
Car oui, la présence de Mercedes, Alfa Romeo, Aston Martin et Alpine sur la grille parasite le débat sportif. Ces marques, comme celles arrivées avant, ne cherchent que le profit commercial, avec des stratégies court-termistes. Malgré les titres, Brackley est toujours obligé de démentir un départ de Mercedes, comme si la F1 n’était que passager dans l’esprit des Allemands. Une même stratégie qui a vu Renault être rebadgé en Alpine pour des raisons commerciales et le partenariat Alfa Romeo-Sauber être remis en question tous les 6 mois.
La saison 2021 a aussi montré l’hypocrisie de Mercedes par rapport au championnat constructeur. Clamé durant des années – quand la lutte entre Rosberg et Hamilton était fratricide pour le titre Pilotes – comme le plus important pour l’image de la marque, il a semblé dérisoire après le verdict de cette saison. Et si le titre constructeur n’est pas aussi important que ce que déclare les grands constructeurs ? Alors ne vaut-il pas mieux revenir à cette bataille entre écuries de courses qui, elles, ont à cœur de gagner ce titre ?
Une place pour les grands constructeurs
Que l’on soit clair, à mes yeux les grands groupes ont tout de même leur place en F1, mais une place en tant que motoriste et uniquement dans ce rôle. On l’a vu ces dernières années, lorsqu’un motoriste possède son écurie, il a tendance à la privilégier par rapport à la concurrence. Cette façon de faire n’est pas saine et continuera d’amener des disparité entre les écuries, même après les corrections post 2022 de la FIA. Le seul moyen pour qu’un motoriste n’ait pas la tentation de privilégier une écurie par rapport à une autre est qu’il soit uniquement motoriste (à l’instar de Renault dans les années 90). Renault et Honda ont démontré en 2012, 2013 et 2021 que l’on peut être simplement motoriste et aller chercher un titre de champion du monde.
Reste le problème Ferrari me direz-vous ! Je ne considère pas vraiment cela comme un problème. Si demain, Renault, Mercedes et Honda fournissent le même package à toutes leurs écuries clientes, en tant que simple motoriste, alors les clients de Ferrari auront des options s’ils se sentent lésées par la maison mère.
Le spectacle que nous offre ces dernières années les écuries d’IndyCar et de Super Formula me laisse penser qu’il s’agit de la meilleure voie à suivre pour le sport. Celle tracées par Ferrari, Lotus, McLaren, Williams, Tyrrell, BRM, Cooper et consorts. Celle qu’aujourd’hui suivent Penske, Andretti, Dandelion et Kondo outre-Atlantique.
Clément Chatellier
Crédits photos :
Grand Prix d’Australie 2012 : ScuderiaFans.com
Grand Prix du Brésil 2006 : Glenn Dunbar
Grand Prix de France 1971 : follesetglorieuses.com
Grand Prix d’Italie 2021: PlanetF1
Grand Prix de Hongrie 2013 : LesVoitures.fr