Tout sportif qui se respecte souhaite atteindre les sommets. Difficile de savoir quand il faut raccrocher. Et quand l’heure de la retraite sonne, c’est dur… Pour certains pilotes, la tentation est parfois trop forte et ils renfilent la combi et le casque… avec des fortunes diverses. Rétrospective sur ces “come-back” triomphants ou ces cuisants échecs.
I) Les retours gagnants
a) Niki Lauda
L’Autrichien déserte les paddocks avant même la fin de saison 1979. Démotivé et emballé par son projet de compagnie aérienne, il claque la porte à son employeur de l’époque : Brabham. Malheureusement, son entreprise tourne au vinaigre et l’Ordinateur décide de reprendre du service à partir de 1982 chez McLaren suite aux tractations de Ron Dennis. Victoire dès le troisième Grand-Prix de la saison au beau milieu de la guerre FISA-FOCA et où les moteurs turbos prennent le pas sur les moteurs atmosphériques. Le vétéran n’a rien perdu de sa maîtrise et de son intelligence de course et c’est ainsi qu’au terme d’une lutte âpre face à Alain Prost pour l’obtention de la couronne mondiale en 1984, ce vieux loup de Niki rafle la mise pour 0.5 point… La saison suivante, l’élève dépasse le maître pour remporter la première de ses quatre couronnes. L’ancien pilote Ferrari prend définitivement sa retraite malgré les vaines tentatives de Bernie Ecclestone pour l’enrôler de nouveau chez Brabham. Écumant les paddocks et enchaînant les postes de conseiller au cours des années 2000 chez Ferrari, puis Jaguar, il officiait chez Mercedes aux côtés de son compatriote Toto Wolff en tant que directeur non-exécutif lorsqu’il prit son envol définitif le 20 mai 2019 à 70 ans.
b) Alain Prost
Le Français fait partie de l’histoire de Niki Lauda tant pour sa rivalité avec ce dernier pour la couronne mondiale en 1984 que pour l’admiration que le premier portait au second. Son passage chez Ferrari faillit lui permettre d’être auréolé d’une quatrième couronne, avant qu’un certain Brésilien n’en décide autrement lors de la pénultième manche de la saison 1990… En 1991, la saison demeure désastreuse et Prost, frustré, balance la fameuse “direction de camion” à la presse, ce qui a pour effet son licenciement immédiat. Mais notre pilote tricolore a déjà signé chez Williams pour… 1993. Après une année sabbatique, il revient pour remporter son dernier titre avec une voiture dominatrice. Un temps tenté par l’aventure McLaren-Peugeot, le Professeur raccroche définitivement, refusant une nouvelle cohabitation avec Senna qui débarque chez Williams la saison suivante.
II) Les intérimaires
a) Pari réussi
Rares sont ceux qui peuvent se targuer d’avoir fait un remplacement glorieux. Mario Andretti, suppléant de luxe durant une saison funeste pour la Scuderia avec la mort de Gilles Villeneuve à Zolder et le grave accident de Pironi à Hockenheim., qui court alors outre-Atlantique, débarque à l’aéroport de Milan quelques jours avant le Grand-Prix d’Italie sur le mythique circuit de Monza. Il enchaîne les séances d’essais pour dompter la monstrueuse 126 C2, claque la pôle et termine troisième à l’issue de l’épreuve transalpine. Après ses déboires avec Lotus et Alfa-Roméo, le vétéran italiano-américain a donc fait vibrer les tifosis en pilotant pour l’écurie de ses débuts.
Comment ne pas évoquer l’intérim’ de Nigel Mansell en 1994 chez Williams après la mort tragique du Brésilien Ayrton Senna. Le Lion n’a rien perdu de sa superbe et s’offre même une dernière victoire à Adelaïde en fin de saison profitant de l’accrochage entre Hill et Schumacher, les deux prétendants au titre.
b) Remplacement honorable
Moins médiatisé mais tout aussi inattendu : Mika Salo alors pilote de réserve chez BAR-Supertec. Après avoir remplacé Ricardo Zonta en début de saison, le Finlandais est appelé par Ferrari pour assurer l’intérim’ suite au crash de son leader Michael Schumacher à Silverstone. Le Finnois, un temps leader à Hockenheim, cède le commandement à Irvine en lice en pour le titre. Un autre podium à Monza viendra s’ajouter à ses bonnes performances. Bien qu’irrégulier, il a assuré de son mieux au sein d’une écurie qu’il ne connaissait pas et avec une monoplace dont le développement avait été stoppée prématurément.
Autre pilote, plus controversé mais qui a su se montrer solide : Pedro De La Rosa chez McLaren qui offrit ses services en 2005 et en 2006 pour suppléer Juan-Pablo Montoya avec au moins un podium à la clé à chaque fois. Il s’illustre même lors du Grand-Prix de Hongrie en 2006 avec un deuxième place inespérée derrière le héros du jour : Jenson Button.
Parmi les moins chanceux, on peut citer Jan Lammers qui effectue un retour fin 1992 au sein du team March en pleine banqueroute. Bien qu’il n’ait rien perdu de sa vitesse après dix ans d’absence, le Hollandais doit composer avec un matériel rétif et peu fiable qui ne lui permet pas de faire bonne figure.
c) À oublier…
Reste les médiocres : Luca Badoer en pole position. L’Italien est un des hommes de l’ombre du succès de la Scuderia au début des années 2000. Lorsque Massa est grièvement blessé pendant les qualifications du Grand-Prix de Hongrie, son remplaçant semble tout désigné : Michael Schumacher. Le septuple champion du monde doit renoncer à cause de douleurs dorsales. Luca Badoer se rappelle donc au bon souvenir de la firme de Maranello. Voilà dix ans qu’il n’a pas couru un Grand-Prix, qu’il prend place dans une F60 ratée et doit composer avec un voisin de garage – Kimi Räikkönen – peu loquace. Présent pendant deux courses – Valence et Spa-Francorchamps le transfert express de Fisichella chez Ferrari abrège la plaisanterie. Cet intérim’ sonnera également la fin de carrière de Giancarlo. Zéro pointé !
Vient s’ajouter à ce club select : John Watson. L’Irlandais supplée Lauda lors du GP d’Europe 1985 à Brands-Hatch. Résultat des courses : Watson n’est plus que l’ombre de lui-même car il est lent… très lent. Il finit septième… à deux tours des leaders. Dernier tour de piste pour le vainqueur du Grand-Prix d’Autriche en 1976 avec l’écurie Penske.
III) Retours manqués
a) Alan Jones (1986)
Ce bougre d’Australien a pris tout le monde au dépourvu en prenant sa (première) retraite à l’issue de la saison 1981. Il revient faire un intérim en 1983 à Long Beach chez Arrows mais l’aventure se solde par un abandon. Le champion du monde 1980 est en contact avec l’écurie Lola au cours de l’année 1985 durant laquelle il participera à quelques courses, avant de l’engager à plein temps pour la saison suivante. En plus d’un manque cruel de fiabilité, Alan Jones perd peu à peu sa motivation… : quatre pauvres points et une structure qui disparaît aussi vite qu’elle est arrivée. L’ex-pilote Williams prend alors définitivement sa retraite et s’en retourne dans son Australie natale. On le retrouve comme “stewart” au cours des années 2010 pour la compte de la FIA.
b) Nigel Mansell (1995)
Exilé aux Etats-Unis en 1993 et en 1994, Mansell assure l’intérim’ chez Williams en cours de saison, puis il est engagé par McLaren la saison qui suit. Woking a délaissé Peugeot pour le bloc Mercedes prometteur mais problème, Nigel a trop goûté aux plaisirs de la malbouffe et son embonpoint oblige McLaren à construire un autre châssis. Sans se démonter, Le Lion a la prétention de viser la couronne mondiale… et il manque les deux premières épreuves ! Les choses sérieuses commencent à Saint-Marin, mais Eddie Irvine met fin à ses espoirs en le faisant partir en tête-à-queue. Lors de la manche catalane à Barcelone, il effectue dix-huit tours avant de mettre pied à terre, considérant la monoplace rétive et inconduisible. Il n’en faut pas plus à Ron Dennis pour congédier le Moustachu, qui sort du monde impitoyable de la Formule 1 par la petite porte.
c) Alex Zanardi (1999)
Après un grave accident en 1993 à Spa-Francorchamps et un retour timide l’année suivante, Zanardi a disparu des radars de la Formule 1 jusqu’en 1999. Participant en CART aux États-Unis avec deux titres à la clé, l’Italien revient en Europe en 1999 au sein de l’écurie Williams qui a perdu de sa superbe depuis le retrait de Renault. Laminé par son équipier Ralf Schumacher, l’ancien pilote Lotus comprend que son heure en F1 est passée. Il n’honore que la première année de son contrat, Williams lui préférant le jeune Jenson Button pour la saison suivante. Le vétéran transalpin est victime d’un grave accident en 2001 au Lausitzring. Paralysé à vie, il brille par des performances exceptionnelles lors des compétitions paralympiques.
d) Michael Schumacher
Parti en retraite en 2006, nul ne présageait un retour de l’Allemand quelques années plus tard. Pourtant, le retour de Mercedes en Formule 1 combiné à un appel malicieux de Ross Brawn, va décider le septuple champion à revenir sur le devant de la scène en 2010. Et ses ambitions sont hautes puisqu’il vise clairement une huitième couronne après trois ans d’absence, la suppression des essais privés et un nouveau règlement en vigueur. De plus, la Mercedes W01 n’est qu’une version évoluée de sa devancière : la Brawn GP 001. Dominé par son voisin de garage, l’ancien pensionnaire de la Scuderia Ferrari se fait remarquer dans des manœuvres aussi maladroites que dangereuses, à l’instar du Grand-Prix de Hongrie où il défend rudement face à son ancien lieutenant, Rubens Barrichello. Au final, un seul podium en trois ans, une domination sans partage de Nico Rosberg. Le recrutement de Lewis Hamilton pousse lentement Schumacher vers une retraite définitive.
IV) Et les autres…
a) Jacques Villeneuve
Après un intérim’ raté fin 2004 chez Renault, Jacques Villeneuve trouve refuge chez Sauber en 2005. L’année qui suit voit le retour de BMW avec Mario Theissen à sa tête, qui a dans l’idée de placer un jeune Polonais rapide et prometteur, alors pilote d’essais. Le fils de Gilles se blesse légèrement lors d’une grosse sortie de route au GP d’Allemagne et se retrouve sur la touche. Clap de fin.
b) Robert Kubica
Ce fameux Polonais n’est autre que Robert Kubica. Grièvement blessé à la main lors d’une sortie de piste au cours d’un rallye en 2011, “Kub” fait son retour en 2019 chez Williams. Dominé de bout en bout par son jeune équipier George Russell, il marque le seul point de l’équipe à l’issue d’une course dantesque en Allemagne. Remercié par Williams qui lui préfère Nicholas Latifi, le Polonais trouve refuge chez Alfa-Roméo en tant que troisième pilote.
c) Pedro de La Rosa
Excellent remplaçant chez McLaren en 2005 et en 2006, Pedro de La Rosa aurait pu en rester là. Il fait son retour sur les circuits en 2010 chez BMW-Sauber aux côté de Kamui Kobayashi, qui va lui mener la vie dure. L’Espagnol part dans le team hispanique HRT, qui accumule les fonds de grille avant de raccrocher définitivement fin 2012 suite à la mise en liquidation judiciaire de l’écurie.
d) Narain Karthikeyan
Puisqu’on parle de HRT, comment ne pas évoquer le premier pilote indien de l’histoire de la F1. Le sympathique Narain Karthikeyan qui fait ses premiers tours de roues chez Jordan en 2005 avant de… revenir comme par magie en 2011 chez… HRT. Aussi lent que dangereux, l’Indien fait deux saisons anonymes en complétant les fonds de grille avec Caterham et Marussia. Il doit sa place grâce au soutien de Tata et à l’inscription au calendrier du GP d’Inde à Buddh.
V) Räikkönen : l’exception
Remercié par Ferrari au profit de Fernando Alonso, on pensait que le champion du monde avait déserté les circuits. Lotus-Renault F1 fit appel à ses services à l’orée de la saison 2012. Line-up inédit pour Enstone qui alignait le vétéran finlandais et le champion GP2 : Romain Grosjean. Fort de son expérience, le Finnois prit le pas sur son coéquipier avant de s’imposer à Abu Dhabi en fin de saison. Début de saison fracassant pour “Iceman” qui remporte la manche d’ouverture à Melbourne puis, plus rien. Face aux difficultés financières de Lotus, Kimi renfile une combinaison rouge dès 2014 aux côtés de… Fernando Alonso [qui reprendra du service en 2021 chez Renault : ndlr]. Saison cauchemardesque avec une voiture mal née. Un dernier coup d’éclat lors du GP des Etats-Unis lui permet de monter sur la plus haute marche du podium en 2018.
Pierre Meslait
Crédits photos - Kubica chez Williams en 2019 : F1i-Auto-moto - Niki Lauda : motorsport - Alain Prost : Auto123 - Mario Andretti : F1.com - Pedro de La Rosa : pinterest - Alan Jones : pinterest - Nigel Mansell : ClassicCourses - Michael Schumacher : Car Pixel - Narain Karthikeyan : f1-fansite - Alex Zanardi : Favcars - Kimi Räikkönen : leblogauto