Le Grand-Prix d’Abu Dhabi a clôturé la saison de Formule 1 riche en intensité avec deux protagonistes : Verstappen et Hamilton, ex-æquo. Mais comme dans Highlander, il ne peut en rester qu’un ! Pour le titre Pilotes ! Evènement avec un dernier tour polémique au cœur duquel la FIA est accusée d’avoir “faussé” le résultat, notamment dans la gestion des retardataires sous régime de voiture de sécurité.
Les dés sont jetés !
Deux compétiteurs hors pairs avec tous deux 369.50 points. Le premier concourant pour sa première couronne [le premier pour toute une nation] alors que le second entend écrire davantage sa légende avec un historique huitième titre. Une bataille épique et virile sur la piste et sur le muret des stands avec comme arbitre la direction de course menée par l’Australien Michael Masi. Ce dernier se retrouve au centre des polémiques et les arrangements diffusés en direct entre le team manager Christian Horner, et Jonathan Neale de l’écurie Red-Bull avec la direction de course concernant la place de Max Verstappen (Red-Bull Honda) sur la grille suite au second drapeau rouge a fait beaucoup d’encre lors de la pénultième manche en Arabie Saoudite sur le tracé controversé de Djeddah.
Impérial sur les trois dernières courses (Sao Paulo, Qatar et Arabie Saoudite), Lewis Hamilton (Mercedes) aborde la finale en position de favori. De son côté, son rival au championnat se veut optimiste et déclare qu’il reste imperméable à la pression et qu’il donnera son maximum comme à l’accoutumée. A l’issue des qualifications, c’est d’ailleurs le Néerlandais, profitant de l’aspiration salvatrice de son équipier Sergio Perez, qui décroche la sacro-sainte pôle position. Relégué à plus de trois dixièmes, Hamilton se place aux côtés du poleman du jour, après avoir dominé la plupart des séances d’essais libres. Perez occupe la quatrième place, devancé par un époustouflant Lando Norris (McLaren-Mercedes) tandis que Valterri Bottas n’est que… sixième.
C’est chaud !
Les feux s’éteignent et le pilote de la Mercedes #44 décolle et vire en têt au premier virage ! Au bout de la longue pleine charge, juste avant le virage 6, Verstappen s’infiltre à l’intérieur en tentant de freiner le plus tard possible. Son adversaire braque à droite et court-circuite la chicane pour éviter l’accrochage. L’action du Britannique est relevée par la direction de course mais sera classée sans suite quelques boucles plus tard. On peut s’étonner qu’Hamilton ait laissé une telle opportunité à son rival, qui freine et braque très tard mais qui ne sort à aucun moment de la piste.
La manœuvre d’Hamilton aurait pu se justifier si Verstappen avait mis une ou deux roues au-delà du vibreur. Or, il n’en est rien ! Des discussions ont-elles eu lieu en coulisses entre team manager de Mercedes, Toto Wolff et la direction de course pour éviter une éventuelle pénalité pour l’Anglais, synonyme de titre pour le Néerlandais. Cette hypothèse est probable. Si celle-ci a eu lieu, elle n’a pas été retransmise en direct.
Très vite, il apparaît que le rythme de course de la Mercedes est supérieur à celui de la Red-Bull et King Lewis distance Mad Max, qui stoppe le premier, imité un tour plus tard par la firme allemande. Le leader de la boisson énergisante dispose d’un atout de taille dans son jeu : Sergio Perez, en tête après l’arrêt des deux prétendants au sacre. A ce moment-là, près de huit secondes séparent les deux duettistes. Le Mexicain oppose une farouche résistance au Britannique qui voit son avance fondre comme neige au soleil en l’espace de deux tours. La Red-Bull n°33 recolle au train de la Mercedes W12 du champion du monde en titre. Mais impossible de lancer une attaque !
Redistribution des cartes
L’abandon de Giovinazzi (Alfa-Roméo) pour sa dernière course (pour l’instant) en F1 au tour 36 déclenche une VSC (voiture de sécurité virtuelle). Red-Bull en profite pour arrêter son chef de file et lui chausser un nouveau train de pneus hard pour déloger le leader. Verstappen repart le couteau entre les dents et grappille au fil des tours bien qu’il semble difficile de tenir un tel rythme jusqu’au terme de la course.
En queue de peloton, Nicholas Latifi (Williams) porte une estocade à Mick Scumacher (Haas) pour le bien de l’avant-dernière place. Les deux gommes se touchent au virage 9 et le Canadien part en tête-à-queue dans le virage 14 et heurte le rail de sécurité. Drapeau jaune et voiture de sécurité ! Tout est relancé. Il y a un écart de 11s entre Verstappen et Hamilton. Mercedes joue la carte de la sécurité en laissant le Britannique avec des gommes usées tandis que Red-Bull rappelle ses deux pilotes pour les équiper en gommes tendres !
Entre-temps, cinq retardataires, qui ne se sont pas arrêtés, sont intercalés entre Hamilton et son poursuivant direct. Dans un premier temps, Michael Masi interdit aux retardataires de se dédoubler. Christian Horner demande aussitôt une explication à la direction de course avant que celle-ci ne fasse machine arrière en autorisant les cinq retardataires qui séparent les deux prétendants à la couronne à reprendre leur tour. Cependant, il décide de relancer la course sans attendre que ces derniers rejoignent le reste du peloton comme le prévoit le règlement. Les autres attardés- placés entre Verstappen et Sainz (Ferrari) – ont interdiction de bouger !
A qui la faute ?
La décision initialement prise, puis abrogée par son contraire avec des contraintes a déclenché la fureur des fans du pilote britannique, qui s’estimait lésé à l’arrivée de cette finale rocambolesque. Sacre de Max Verstappen et titre constructeur pour l’écurie Mercedes, qui dégainait dans la foulée deux recours, l’un à l’encontre de Max Verstappen et l’autre à l’attention de la FIA. Entre injustice, théories du complot farfelues, menaces de morts destinées au pilote Williams, Nicholas Latifi, le boycott de Mercedes lors de la cérémonie de remise des trophées organisée par la FIA, les rumeurs de retraite de Lewis Hamilton, nous avons pris le parti d’attendre que l’intensité du brasier médiatique s’atténue pour essayer de donner un avis objectif face à la problématique en question.
Nicholas Latifi a-t-il été payé par Red-Bull pour se crasher volontairement et permettre une relance lors du dernier tour ? Cela semble peu probable. Auquel cas, nous serions face à une affaire similaire à celle du Singapourgate ! Les conséquences pourraient s’avérer désastreuses pour les deux écuries : Red-Bull et Williams. Le fils du PDG de Sofina Foods étant à l’abri du besoin, le motif pécunier ne nous semble pas pertinent !
Red-Bull a-t-elle influencé la décision de la direction de course ? Au risque d’être lapidés, non. Le successeur de Charlie Whitting depuis 2019 a pris seul la décision initiale d’interdire aux retardataires de se remettre dans le même tour que le reste du peloton. Décision incompréhensible, qui va à l’encontre du règlement en vigueur ! Liberty Media est par contre coupable – tout comme en Arabie Saoudite – d’avoir retransmis en direct les échanges entre la FIA et Red-Bull ! Le team autrichien s’est appuyé sur le règlement et a demandé une explication à la direction de course suite à la décision annoncée. Rien ne l’interdit dans le règlement. Masi n’avait sans doute pas de réels arguments pour justifier sa décision d’où son retournement de veste juste après cet échange…
Mercedes a-t-elle commis une erreur stratégique en ne faisant pas rentrer Hamilton avec la voiture de sécurité ? Avec le recul, oui sans doute ! Les hommes de Toto Wolff se sont montrés très conservateurs, pensant – à juste titre sans doute – que la course ne serait pas relancée. Mais Mercedes a aussi pêché avec un Bottas aux abonnés absents alors que la dévotion exemplaire de Perez pour son chef de file est à souligner. Ce dernier rebondissement a prouvé ce qui avait été une triste réalité tout au long de la saison : l’avantage de Red-Bull en matière de stratégie ! Un Bottas aux basques de Verstappen aurait sans refroidi les ardeurs des hommes de Dieter Mateschitz. Or, c’est le rôle qu’a tenu Perez jusqu’à ce que son moteur le contraigne à l’abandon sous safety car.
Autre problème : le temps. Un arrêt sous régime de voiture de sécurité coûte 14 secondes. Il manquait quelques secondes à Hamilton pour être certain de ressortir en tête. Et ces précieuses secondes ont été perdues lorsque Perez l’a bouchonné pendant un tour et demi , lui faisant perdre près de huit secondes ! Là encore, il manquait un équipier efficace au service de l’Anglais.
La course devait-elle reprendre pour le spectacle au détriment de la sécurité des pilotes ? Plusieurs d’entre nous ont été choqués de voir ENCORE une fois une grue sur la piste sous régime de voiture de sécurité et drapeaux jaunes. Nous espérons que le drapeau rouge pourra être désormais brandi lorsque les grues devront traverser la piste pour enlever une monoplace accidentée. Malgré la faible vitesse de l’impact, il y a eu un départ de feu dû à la surchauffe des freins de la Williams #6. Une inspection plus poussée aurait été bienvenue afin de s’assurer que les rails de sécurité n’étaient pas déformés suite à l’accident et pour assurer la sécurité des pilotes et des commissaires de piste.
La FIA doit-elle mener une enquête et le cas échéant changer le directeur de course en exercice ? Oui. Jean Todt, président historique de la FIA a achevé son mandat et a laissé sa place à son successeur Mohammed Ben Sulayem. Ce dernier s’est exprimé sur la décision controversée et a suggéré qu’une enquête soit ouverte pour déterminer s’il y avait eu une erreur de la part de l’institution qu’il dirige. Concernant Michael Masi, une réorganisation fonctionnelle semble la plus appropriée plutôt qu’un renvoi pur et simple. L’Australien aurait besoin d’être épaulé par plusieurs personnes ayant chacune un domaine à couvrir : les accrochages entre pilotes, le déploiement des drapeaux et la signalisation en piste, les pénalités, les réclamations et recours des équipes…
Qui est champion ?
Grâce à une stratégie audacieuse de son équipe au moment propice, Max Verstappen s’est imposé en dépassant Hamilton lors de la relance dans le dernier tour. Il remporte une dixième victoire cette saison et devient le premier pilote néerlandais champion du monde ! Il s’agit d’un titre mérité, acquis au forceps et grâce à une régularité exemplaire. Pilote charismatique et investissement à long terme pour Liberty Media. Verstappen est l’idole des jeunes et ses manœuvres tantôt dangereuses, tantôt spectaculaires ne laissent guère indifférent. Les actuels propriétaires de la catégorie reine ont mis en place un vaste plan de communication ces dernières années avec l’arrivée de la F1 sur les réseaux sociaux avec des discussions enflammés entre fans, pouvant virer aux insultes et aux menaces, la mise en place d’une plateforme payante pour suivre les Grands-Prix et les autres catégories et revoir des Grand-Prix historiques (F1 TV).
N’oublions pas la mentalité du CEO de Liberty Media, groupe américain, avec une culture très ancrée du spectacle au détriment du sport en lui-même. La F1 se popularise et la série Drive to survive produite par Netflix, n’y est sans doute pas étrangère. Le spectacle du dernier tour regroupe tous les ingrédient d’un Shoot out, très populaire en NASCAR. Il s’agit d’un dispositif qui rajoute deux tours supplémentaires au terme d’une épreuve lorsque celle-ci a été neutralisée à quelques boucles de l’arrivée. Outre l’explication demandée par Red-Bull, Masi n’aurait-il tout simplement pas reçu des consignes de la part de Liberty Media, le contraignant à réviser son jugement pour le plaisir des fans au détriment des lois du sport ?
Pierre Meslait
Crédits photos :
Le Dauphiné Libéré
Le Figaro
F1.TV
SuperF1.be
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