Depuis quelques années, les mentalités changent et le sport automobile s’ouvre désormais sous presque toutes ses formes aux nouvelles générations. Presque oui, vu que le World Rallycross a décidé d’aller dans l’autre sens.
Depuis plus de 10 ans maintenant, la même question m’est sans cesse posée par beaucoup de mes proches non-familiers avec le sport auto : à quelle discipline doit-on s’intéresser si l’on n’y connait rien ? Et je donne toujours la même réponse : le rallycross. Plus que la F1, pinacle trop fermé, que l’endurance pouvant paraitre monotone pour les novices ou que le rallye, monde à part, c’est bien cette discipline qui me semble la plus à même d’attirer un nouveau public.
Et pendant plus d’une décennie, ce fut le cas. Entre des X Games (symbole ultime de la jeunesse des années 2000) et la création d’un championnat du monde sponsorisé par une boisson énergisante, le rallycross avec son format court et explosif semblait bien parti pour s’installer durablement comme la porte d’entrée des jeunes dans le sport auto. Et ça, les promoteurs du World RX l’avaient bien compris, entre la diffusion en quasi-intégralité des week-ends de course sur YouTube et l’interaction avec les fans sur place.
Une compréhension des attentes de la nouvelle génération parfaitement traduite au moment de passer à l’électrique. Au lieu de laisser chaque constructeur faire sa propre technologie, et risquer un écart de performance digne de la F1 en 2014, le World RX a développé son propre châssis sur lequel chaque écurie viendra poser la coque de son choix. Une stratégie permettant des courses serrées entre des voitures ressemblant aux nouveaux modèles routiers et une maitrise des coûts, donc potentiellement plus de concurrents au départ.
Changement de propriétaire… et de cap
Sauf que depuis la reprise du rallycross mondial par un nouveau promoteur, lié à Red Bull, plus rien ne va dans le sens de l’ouverture montrée précédemment. Pour le moment, je ne parlerais pas de ce qui nous a été montré en matière d’accueil du public sur site cette saison. J’estime que les conditions sanitaires et économiques peuvent, pour cette année 2021, expliquer la forte diminution des activités sur site. Mais, en regardant tout l’écosystème, ce n’est peut-être qu’une preuve de plus que le rallycross se recroqueville sur lui-même au détriment de ses fans.
Cette année 2021 a vu disparaitre la publication gratuite sur YouTube de toutes les manches qualificatives en direct (soit près de cinq heures de contenu) pour passer à une application payante : RX+. À l’heure où les 15-30 ans consomment en moyenne 46 minutes de contenu par jour sur YouTube et une heure et demie sur Twitch, cette décision semble à contre courant de la cible même du rallycross. Mais le plus gros problème réside sans doute ailleurs.
En 2022, le rallycross mondial n’ira plus à Lohéac, l’un des trois circuits historiques du rallycross, se privant d’une affluence de 80 000 spectateurs. C’est cette même stratégie qui avait amené la catégorie à passer de Lydden Hill à Silverstone. Ne reste donc plus que Holjes pour voir une foule de 50 000 fans. En préférant aller à Barcelone et Abou Dabi, où les tribunes sont vides, le rallycross se calque peu à peu sur un modèle vu en Formule 1 à la fin des années 2000 jusqu’à la reprise par Liberty Media. Un modèle où la jeune génération était délaissée au profit de sponsors prêt à payer plus.
Une vision court-termiste dont les conséquences ont déjà été vues en WTCC ou en F1. Et alors qu’il avait tout pour devenir le sport auto des milléniaux, le WRX s’enfonce dans l’attirance d’une aristocratie sportive qui n’a jamais daigné le regarder.
Clément Chatellier
Crédits photos :
World RX of Latvia 2019: EKSRX via Flickr
X Games 2012 : delessencedansmesveines
World RX of Catalunya 2019: racing14.de