Nouveau tracé en Asie, qui devait accueillir la Formule 1 dès 2020. Annulé pour cause de pandémie Covid-19 puis… ? Disparition pure et simple du calendrier de cette année. Un nouveau projet démesuré mort-né ?
La F1 en Asie
Le marché asiatique représente un intérêt financier très juteux pour la Formule 1 et ce, depuis les années 2000. De nouvelles puissances économiques émergent à l’instar de la Chine, de l’Inde, la Malaisie ou la Corée du Sud. Bien que peu – voire pas du tout – représenté dans le paysage sportif et possédant une “quasi”-absence de culture automobile, des circuits automobiles font leur apparition progressive au calendrier.
Outre le Japon où se disputent des courses depuis le milieu des années 70 soit à Fuji ou à Suzuka, Kuala Lumpur, capitale malaisienne, est choisie pour accueillir la pénultième épreuve du calendrier 1999. Sur un tracé atypique, riche en dénivelé, des courses, tantôt mornes, tantôt spectaculaires s’y disputent jusqu’en 2017. La raison ? Des coûts stratosphériques que le gouvernement ne peut plus supporter, sans compter la concurrence féroce des Grand-Prix voisins comme Singapour – épreuve nocturne qui accueille le cirque de la F1 depuis 2008.
Outre l’aspect financier, la culture asiatique se concentre plus sur des engins (motorisés ou non) à deux roues plutôt que l’automobile, d’où parfois des structures environnantes inexistantes pour permettre au public venu en nombre d’accéder à un tel évènement dans des conditions idéales. L’exemple le plus probant demeure le tristement célèbre de Grand-Prix de Corée du Sud avec des infrastructures délaissées d’une année sur l’autre et des projets maquettés avec du cachet mais restés à l’état “prototypique” au milieu des grues et engins de chantier. Avant de disparaître définitivement du calendrier en 2014, tout comme l’Inde avec l’atypique tracé de New Delhi.
Destination Vietnam
Marché émergeant suivant la dynamique insufflé par les autres pays frontaliers? le Vietnam voit sa candidature retenue pour l’organisation d’un Grand-Prix en 2020. Hermann Tilke, architecte contesté de la FIA, est chargé de sortir de terre un tracé en plein cœur d’Hanoï. Moins glamour que Singapour ou Monaco mais proposant un véritable défi pour les pilotes. On y retrouve certaines caractéristiques comme le virage 1, copie conforme du Nurburgring (Allemagne), les virages 12 à 15 évoquent la remontée vers Massenet (Monaco). Ou encore les “Esses” (virages 16 à 19), directement inspirés de Suzuka (Japon) tandis que les deux derniers virages rappellent certains virages du dernier secteur de Sepang (Malaisie)
Liberty Media signe un accord avec le gouvernement vietnamien en novembre 2018 et les travaux débutent pour ce tracé de plus de 5 km avec une gigantesque ligne droite (1,5 km de long !). A l’occasion, tout comme à Singapour ou Monaco, le circuit emprunte des routes déjà existantes. Le coût du projet est estimé à environ 60 millions de dollars avec la participation d’investisseurs privés (Vingroup et sa marque automobile VinFast). Les organisateurs espèrent un retour sur investissement grâce aux revenus publicitaires.
La propagation croissante de la Covid-19 en Asie, notamment en Chine freine considérablement le déroulement du plan “sans accrocs”. La mise en sommeil du championnat de Formule 1 après le tollé de Melbourne (Australie), entraîne le report, puis l’annulation de l’épreuve asiatique. Le tracé d’Hanoï ne figure pas au calendrier prévisionnel de la F1 cette année. Et pour cause ! Outre la quatrième vague de Covid-19 qui tourmente la population locale, l’arrestation de l’ancien maire de la ville, porte sans doute un coup de grâce à un projet à l’avenir plus qu’incertain.
Fantastiques années fric
Nguyen Duc Chung. Edile exemplaire selon toute vraisemblance jusqu’à ce que la Police d’investigation du ministère de la Sécurité publique le place en détention en septembre 2020 pour quatre mois. Motifs ? Contrebande, violation des règles comptables causant de graves conséquences, blanchiment d’argent, violation des règles d’appel d’offres causant de graves conséquences. Le projet F1 ne manquait donc pas de soutiens, aussi illégaux soient-ils…
La deuxième motif concerne la violation des règlements sur la gestion et l’utilisation des biens de l’État causant des pertes et des gaspillages, qui s’est produite à Hanoï depuis 2016. Enfin, La troisième, c’est l’affaire de saisie de documents secrets d’État, délit assez grave et qui risque de lui coûter une lourde peine d’emprisonnement.
En résumé, des investisseurs avec des fonds douteux avec à leur tête, un élu enlisé dans des scandales politico-judiciaires. Le tout pour un projet au cœur d’une nation sans représentant que ce soit chez les pilotes ou les constructeurs. Et une culture profondément ancrée du deux roues. Une destination choisie pour que la F1 et accessoirement Liberty Media s’enivre d’exotisme. Un projet dont la destinée semble proche de celle de Valence à la différence qu’aucune course ne s’y sera déroulée. Des coûts démentiels pour le gouvernement, la localité et pour Liberty Media pour… rien. Des sommes importantes qui auraient pu permettre la tenue d’un GP en Afrique, boudé par la F1 depuis l’abandon de Kyalami (Afrique du Sud) Seule consolation, Codemasters avait eu la bonne idée de “virtualiser” le tracé vietnamien dans le jeu F1 2020. Le “hand-spinner” asiatique est également disponible sur le jeu de simulation Asseto Corse.
Pierre Meslait
Crédits photos :
Vue aérienne du circuit de Sepang: AutoNewsInfo.com
Présentation du Grand Prix du Vietnam : RDS.ca
Plan du Hanoi Street Circuit : VietnamOriginal.com