Saison riche en rebondissements entre les querelles chez les McLaren boys, l’accident de Michael Schumacher, la promotion d’Irvine, un GP d’Europe d’anthologie et la montée en puissance de l’écurie Jordan
Chaises musicales
La saison 2021 est sur le point de reprendre. Il nous reste quelques semaines avant que la F1 circus n’installe son chapiteau (ou pas) à Melbourne pour la manche d’ouverture. En effet, le tracé de l’Albert Park a souvent été riche en rebondissements de par sa configuration urbaine et tortueuse. Parmi ces éditions loufoques, faisons un bond dans le temps pour revenir 22 ans en arrière.
L’intersaison a vu le retrait de l’écurie Tyrrell rachetée par Bristish American Racing (BAR), qui a recruté Jacques Villeneuve et Ricardo Zonta. Retour de l’Italien Alessandra Zanardi chez Williams. Le pilote transalpin, double champion de CART, espère que sa chance a fini par tourner à son avantage.
Enfin, Heinz-Harald Frentzen, mis sur la touche par Williams, trouve refuge chez Jordan aux côtés du vétéran Damon Hill. A ce titre, Intéressons-nous de plus près aux performances du cet éternel second chez Williams-Renault et ennemi de Michael Schumacher (Ferrari) aussi bien à la vie qu’à la scène.
Vainqueur inattendu
Données ultra-favorites, les McLaren vont vite déchanter lors de ce premier week-end. David Coulthard abandonne à cause d’un problème électrique et le champion du monde en titre, Mika Hakkinen, sur une panne hydraulique. Dès lors, c’est un surprenant Eddie Irvine qui prend les commandes de la course jusqu’à la ligne d’arrivée. 22 engagés au départ et 8 seulement à l’arrivée. Avec au final, un podium plutôt surprenant : Irvine (Ferrari, Frentzen (Jordan) et Ralf Schumacher (Williams). Le ton est donné !
Par la suite, Il faut attendre le Grand-Prix de France à Magny-Cours pour voir la hiérarchie totalement bouleversée. Entre-temps, Ferrari et McLaren se partagent les victoires : 2 pour le Baron Rouge et 3 pour le Finlandais volant. La météo capricieuse dans la Nièvre fin juin redistribue les cartes. Sur la grille, pôle de Rubens Barrichello (Stewart), suivi de Jean Alesi (Sauber) et Olivier Panis (Prost) Cocorico ! Hakkinen est 14ème, Irvine… 17ème, tous deux piégés par l’intensification de la pluie pendant les qualifications.
Un été français
Aussi, le pilote McLaren entame son impressionnante remontée jusqu’à la 4ème place en 10 tours. Coulthard est contraint à l’abandon, trahi de nouveau par sa monture. A l’entame du 22ème tour, des trombes d’eau s’abattent sur le circuit nivernais. Les arrêts aux stands se multiplient et les abandons s’additionnent : Alesi, Wurz (Benetton), Gene (Minardi), Villeneuve.
La voiture de sécurité intervient au tour 25 pour permettre aux survivants de rester en piste le temps que le déluge se calme. Michael Schumacher, parti en pneus pluie, tire son épingle du jeu. Il dépose Barrichello et caracole en tête avant qu’un problème électrique ne le ralentisse considérablement. Tête-à-queue d’Hakkinen sur la piste détrempée.
Le Finlandais ne tarde pas à rattraper le peloton de tête mené par Barrichello et Frentzen. Malheureusement pour McLaren, le pilote Jordan ne rentrera pas aux stands une seconde fois, à l’inverse de ses deux concurrents directs. C’est ainsi que le natif de Mönchengladbach remporte sa deuxième victoire en carrière devant Hakkinen et Rubinho.
Schumacher out
Suit le Grand-Prix de Grande-Bretagne à Silverstone, théâtre du terrible accident de Michael Schumacher. Mal parti, l’Allemand freine trop tard à l’abord de Stowe, bloque les roues arrières de la Ferrari et s’encastre dans le mur de pneus. Bilan : double-fracture de la jambe droite. Les images des deux roues avant enfoncées dans le cockpit sont terribles. Le double champion du monde est hors course pour de longs mois de convalescence.
C’est le Finlandais Mika Salo qui remplacera le chef de file de la Scuderia Ferrari. Les Rouges enchaînent avec deux victoires successives en Autriche et en Allemagne. Pendant ce temps, des tensions apparaissent chez McLaren entre Coulthard et Hakkinen.
De l’eau dans le gaz
Les deux pilotes McLaren s’accrochent au premier virage, laissant la voie libre à Irvine. Le champion du monde en titre se crache dans les mains et remonte brillamment jusqu’à la troisième place.
Après les manches hongroises et belges remportées successivement par Hakkinen et Coulthard arrive le Grand-Prix d’Italie. Fortunes diverses pour les sociétaires de Woking : Coulthard rate son départ pendant qu’Hakkinen s’envole en tête. Une erreur de concentration du Finlandais lui fait rater une vitesse à la première chicane au 29e tour. La sanction est immédiate : blocage des roues arrières et tête-à-queue dans les graviers. Frentzen hérite des commandes de la course, suivi de près par Ralf Schumacher (Williams), Salo est solide troisième. Avec cette deuxième victoire de l’année, Frentzen ajoute son nom à la liste des prétendants pour le titre : Hakkinen, Irvine et Coulthard.
Un GP “Chamboule-tout”
Pour les quatre pilotes en lice pour le titre, le GP d’Europe aura viré au cauchemar mais pour le public et les téléspectateurs, le Nurbürgring a tenu toutes ses promesses et s’est rappelé au bon souvenir des nostalgiques de la Nordschleife. Tout d’abord, la pole de Frentzen devant les McLaren boys au moment des essais qualificatifs. Quelques tours plus tard après le départ, une petite averse trempe la piste à certains endroits, ce qui induit en erreur Hakkinen qui troque ses slicks contre des pneus pluie.
Grosse erreur ! Frentzen et Coulthard ravitaillent aux 32e tour, l’Allemand ressort en tête… avant de s’arrêter sur le bas-côté : problème électrique. (Frentzen a en fait oublié de désactivé son système anti-calage à la sortie des puits [ndlr]) Par la suite, Coulthard hérite du commandement mais il se fait piéger et sort de la piste au 37e tour. La malchance touche également la Scuderia Ferrari puisque au moment de ravitailler Irvine réalise qu’il n’y a que… 3 roues de prêtes. Catastrophe ! Un arrêt interminable de 28 secondes et l’Irlandais repart 13e.
Large leader sur une piste sèche, Ralf Schumacher croit en sa bonne étoile. C’est sans compter sur la crevaison de son pneu arrière-droit qui ruine ses chances de victoire. Le cadet des frères Schumacher assure une honorable 4ème place devant un Mika Hakkinen remonté 5e et un inattendu Marc Gene (Minardi), qui récolte le point de la 6ème place.
Vainqueur surprise et polémique rouge
Au milieu de tout ce maelström, Herbert remporte la seule victoire de l’écurie Stewart devant Jarno Trulli (Prost-Peugeot), harcelé jusqu’au bout par le second pilote Stewart, Rubens Barrichello. Un GP rocambolesque où tous les prétendants à la victoire ont eu leur lot de malchance. Hakkinen s’en sort le mieux : la chance du champion ?
Le GP de Malaisie, nouveau venu au calendrier de la F1, marque le retour aux affaires de Michael Schumacher. Un doublé pour Ferrari devant Mika Hakkinen. D’abord disqualifiées suite à une irrégularité technique (il manquait un centimètre carré au rebord inférieur de chacun des déflecteurs aérodynamiques latéraux assurant la canalisation de l’air dans le moteur : [ndlr]), les monoplaces italiennes réintègrent le haut du classement quelques jours plus tard suite à l’appel auprès du tribunal de la FIA.
Hakkinen au finish
Irvine mène devant Hakkinen. Seulement 4 points les séparent au départ du Grand-Prix du Japon, disputé sur le tortueux circuit de Suzuka. D’une part, le circuit est connu pour avoir été le théâtre de dénouement parfois houleux (remember Prost et Senna…) et d’autre part, c’est Schumacher qui part en pole avec Hakkinen à ses côtés. Eddie Irvine – son adversaire adirect -n’est que 5ème.
Extinction des feux et le Finlandais prend le meilleur sur la Ferrari n°3. Dès lors, il ne cèdera son leadership qu’à l’occasion des arrêts aux stands. Loin, très loin derrière (à une minute trente !), Irvine doit s’incliner pour deux points face à un Hakkinen impérial. Lot de consolation pour Ferrari : le titre constructeur. Une première depuis 1983. Et derrière ? Frentzen, solide 4ème, ce qui lui permet de terminer troisième du championnat du monde. En fin de compte, du point de vue de nombreux observateurs, c’est également le meilleur pilote de cette saison complètement folle.
Et si ?
Ouvrons à présent la porte des spéculations ! La saison 1999 a confirmé la bonne forme de l’écurie Jordan qui avait déjà glané un doublé inespéré en Belgique sous le déluge à Spa-Francorchamps en 1998. Frentzen a été dès le début de saison l’un des hommes forts. Régulièrement dans les points et auteur de 6 podiums dont 2 victoires, on peut se demander si la donne n’aurait pas été différente sans son abandon au GP d’Europe qu’il aurait peut-être remporté.
L’ex-pilote Williams a par ailleurs fait parler tout son talent au volant d’une monoplace qui seyait davantage à son style de pilotage, tout en étant mis en confiance dans une équipe qui a joué le rôle d’outsider face aux deux écuries leaders.
Profitant des occasions qui se présentaient, l’Allemand a accompli sa meilleure saison depuis ses débuts en 1994. Fort de ses succès, Jordan pouvait se permettre d’avoir de hautes ambitions pour la saison suivante. L’histoire ne lui donnera pas raison. Mis à part la victoire de Fisichella au GP du Brésil en 2003, un ciel noir assombrit le team irlandais un peu plus au fil des saisons jusqu’à son rachat par Midland fin 2005.
Pierre Meslait
Crédits photos :
Photo de présentation : Pinterest
Photo pilotes 1999 : StatsF1
Victoire d’Eddie Irvine à Melbourne : StatsF1
Ferrari Hockenheim : LAT Photographic
Stewart Europe : F1i Magazine
Hakkinen Japon : MaxF1.net
Photo Jordan : F1GreatestRaces.com
Vidéo Grand Prix France 1999 : Chaine Youtube Alex 350
Nota : Merci à TF1 Editions pour le livre “Formule 1 99” écrit par Adrian Gilbert, Reg Grant et traduit par Anne-Sophie Labé et Virginie Launay qui a servi d’appui pour cet article.