Certaines voitures ont une place particulière dans l’histoire du sport automobile. C’est le cas de la Dallara GP2/11, trop souvent oubliée et pourtant si importante.
Revenons un peu en arrière, au moment du dernier week-end de course officiel de cette voiture mythique. Nous sommes le 26 novembre 2017, et la monoplace italienne s’apprête à tirer sa révérence au Yas Marina Circuit d’Abu Dhabi. Pour beaucoup, c’est une course comme une autre, qui conclut une saison durant laquelle Charles Leclerc a déjà été titré. Pas grand intérêt donc… Tout le monde a déjà les yeux rivés sur le Grand Prix de Formule 1 qui aura lieu trois heures plus tard.
Pourtant c’est un moment d’histoire qui se joue. La GP2/11 est en effet la dernière monoplace de course équipée d’un moteur V8. La mythique motorisation, abandonnée par l’IndyCar fin 2011, par la Formule 1 et la Super Formula fin 2013, par l’Indy Lights fin 2014 et par l’ex Formule Renault 3.5 seulement une semaine plus tôt, vit donc ses dernières heures en monoplace. Et aucune voiture ne pouvait permettre de lui rendre un meilleur hommage que la Dallara GP2/11
Une voiture mal aimée à ces débuts
La GP2/11 entame sa carrière en février 2011 sur ce même circuit de Yas Marina, lors du round d’ouverture de la saison de GP2 Asia, extension orientale de l’antichambre de la F1. Pourtant, lors des deux premières saisons, les critiques pleuvent sur la voiture. Certains la trouvent difficile à piloter, (in)compréhensible avec les nouveaux pneus Pirelli si aléatoires comparés aux Bridgestone, quand d’autres se plaignent du manque de dépassement depuis son introduction. Et puis, il y a les critiques sur l’apparence de la voiture, sur cet aileron haut comme les F1 l’ont adopté depuis 2009, et cet appendice sur le capot moteur qui ressemble au F-Duct des F1 de 2010.
Pourtant tout sera vite oublié. L’introduction pour 2014 de pneus plus résistants puis du DRS un an plus tard vont permettre aux pilotes d’exploiter entièrement toutes les capacités de la Dallara, rendant les courses encore plus excitantes que les saisons précédentes. Et ce physique décrié lors des premières courses n’est finalement pas si horrible comparé aux F1 de 2014.
Une si longue carrière
Si les deux monoplaces de GP2 précédentes, la GP2/05 et la GP2/08 avaient eu une carrière de 3 ans, le championnat décide de garder la GP2/11 pour un second cycle. Une décision motivée par une réduction des coups demandée par l’ensemble du paddock, et rendue possible avec cette monoplace simple, fiable et performante. Ainsi, alors que la F1 passe au V6 hybride en 2014, la vieille italienne et son V8 sont conservés par son antichambre, permettant à 14 pilotes de réaliser un tour de qualification sur le sec plus rapide que certaines F1 !
Ce regain de performance par rapport à la F1 lui permettra de continuer quatre saisons de plus que le plan initialement prévu. La GP2/11 aura donc une carrière longue de 7 ans, dans 3 championnats différents (GP2, GP2 Asia et F2) et aura roulé sur 18 circuits dans 15 pays, une performance inédite pour ce genre de monoplace.
Expérience requise
Des 116 pilotes qui auront pris le volant de la monoplace, l’immense majorité vous dira que pour gagner au volant de cette voiture, il faut de l’expérience, beaucoup d’expérience. Hormis Romain Grosjean, champion lors de la première saison de la Dallara GP2/11 et qui était déjà passé par la F1, seul Charles Leclerc a réussi à gagner dès sa saison rookie. Encore plus révélateur, une fois passée la première saison de la monoplace en 2011, seul 42% des vainqueurs de courses l’ont été durant leur saison rookie.
L’apprentissage de la monoplace fut tellement exigeant que sur les 21 pilotes qui ont été promus en F1 après avoir piloté la voiture, seulement 5 l’ont été après une seule saison, tant il était dur pour les petits nouveaux de se battre avec ceux qui avaient déjà une expérience dans la voiture. Cette singularité dans le monde des monoplaces, associée à des performances hors du commun, a élevé la Dallara GP2/11 dans l’estime des pilotes et spectateurs, au même rang que la F1, la Super Formula et l’IndyCar, sainte trinité du genre.
Une place à part
La légende de la GP2/11 s’est construite tout au long de ses sept années d’existence. Seule voiture plus rapide que certaines F1 sur cette période, dernière monoplace équipée d’un V8, elle nous a offerts des courses légendaires. Et finalement, même cette nécessité d’expérience, perçue initialement comme un défaut, permettra à l’italienne de servir de voiture test pour Pirelli, en remplacement de la Toyota TF110. Définitivement, la GP2/11 aura su, année après année, nous convaincre qu’elle avait une place à part dans l’histoire du sport automobile
Clément Chatellier
Crédits photo : Speedsport Magazine