Pressenti pour marcher dans les traces de son compatriote Michael Schumacher, dominateur avec l’écurie Red-Bull et puis, Messie devenu ange déchu au sein de la mythique Scuderia Ferrari, présentation du tant décrié Sebastian Vettel.
2020 sera la dernière saison en rouge pour le pilote allemand
Comme nous vous le rapportions dans le podcast posté cette semaine, le divorce est consumé entre le pilote allemand et la Scuderia Ferrari. D’un commun accord, les deux parties ont décidé de mettre un terme à un partenariat entamé en 2015 lorsque Sebastian Vettel quitte l’écurie Red-Bull avec laquelle il a connu ses heures de gloire pour accomplir le rêve de tout champion : être pilote pour la Rossa. Les ambitions de Vettel semblent claires : devenir champion avec les Rouges. Cela ne vous rappelle rien ? Si allez, souvenez-vous ! Un certain double champion du monde germanique qui lui aussi sous l’impulsion de Jean Todt avait relevé le challenge de remettre la firme de Maranello sur la route des succès pour la conquête du Saint-Graal. À cette époque-là, le dernier pilote Ferrari sacré champion du monde n’était autre que l’ »Ourson » Jody Scheckter à bord de la fabuleuse 312T4 à effet de sol. Coïncidence ? Non. Le Baron Rouge et Vettel se connaissent bien. Le premier a vu le second limer le bitume des pistes de karting en Allemagne. Le gamin voit en son aîné l’idole de tout un peuple. Le natif de Kerpen aligne 5 titres d’affilé avec Ferrari (2000-2004) dont certains avec une facilité déconcertante. Les deux hommes concourent ensemble lors de la Course des Champions à plusieurs reprises. Ce n’est pas un hasard si rapidement le jeune Sebastian Vettel se voit affublé du sobriquet « Baby Schumi ». La tenue rouge était donc un passage obligé pour le quadruple champion du monde allemand.
Les débuts en F1 pour Sebastian Vettel avec BMW Sauber
C’est lors du Grand-Prix des États-Unis en 2007 que ce jeune loup débarque au volant d’une modeste BMW Sauber pour suppléer un Robert Kubica mal remis de son terrible accident au Canada. L’Allemand seulement âgé de 19 ans, marque son premier point. La marque des grands ! Alain Prost avait également réalisé cet exploit lors de sa première course en 1980 avec McLaren. Il établit ainsi un record de précocité qui sera battu par un certain Max Verstappen. Vettel retrouve ensuite sa place de troisième pilote mais sa performance remarquée lui permet d’obtenir un baquet, après le renvoi de Scott Speed, dans l’écurie Toro-Rosso, sœur cadette de Red-Bull destinée aux jeunes recrues de la filière éponyme. Vettel se fait remarquer par une glorieuse quatrième place en Chine. En 2008, son coéquipier n’est autre que le Français Sébastien Bourdais, quadruple champion de ChampCar. Après un début de saison laborieux, l’Allemand monte en puissance et s’impose lors d’un Grand-Prix d’Italie disputé dans des conditions dantesques. Il signe la pole position la veille et résistera sans coup férir à la McLaren-Mercedes de Heikki Kovalainen tandis que les deux prétendants à la couronne, Lewis Hamilton et Felipe Massa, peinent à entrer dans les points. Un pilote qui conduit avec maestria sous la pluie, ça ne vous rappelle pas quelqu’un ? Bien entendu, on pense tout de suite à feu « Magic » Senna, Jim Clark, Jackie Stewart ou encore Michael Schumacher. Rien que ça…
Victoire pour Vettel sur la modeste Toro-Rosso en Italie (2008) !
La légende est en marche.
Cette victoire – qui demeure la seule de la firme de Faenza à ce jour – lui offre un ticket pour être promu chez Red-Bull la saison suivante aux côtés de l’expérimenté Mark Webber. C’est le début d’’un quatuor gagnant entre le team manager, Christian Horner, le directeur non exécutif, Helmut Marko, le talentueux ingénieur, Adrian Newey et l’étoile filante Sebastian Vettel, qui après quatre succès glanés en 2009 commence à nourrir de hautes ambitions. Certains traits de caractère du jeune pilote se dessinent également : un accrochage ridicule avec Kubica en Australie en fin de course alors qu’il était deuxième ou encore une sortie de piste sous le déluge malaisien.
Dès le début de la décennie suivante, Red-Bull Racing devient l’écurie de référence et Vettel, la coqueluche du public allemand. L’héritier du Kaiser enchaine les victoires, malgré un manque de fiabilité de bloc Renault. Il perd ainsi de précieux points au championnat lorsque son moteur casse en Corée du Sud laissant Alonso et Ferrari filer vers la victoire. Lors de la finale à Abu Dhabi, le protégé de Red-Bull surgit de nulle part et rafle la mise au nez et à la barbe de ses rivaux : Webber, victime d’une stratégie douteuse et Alonso, qui en voulant calquer sa stratégie sur celle de Webber reste coincé derrière la Renault de Petrov sans parvenir à trouver l’ouverture. Un comble pour l’Asturien qui a écrit les heures de gloire du Losange deux ans de suite… On gardera en mémoire l’accrochage entre les deux coéquipiers en Turquie, dont Vettel porte la responsabilité. Les tensions apparaissent. Webber se venge quelques semaines plus tard à Silverstone en sortant volontairement son équipier au premier virage, favorisé dans la course aux évolutions. Le fameux « pas mal pour un numéro 2 ! » est encore dans toutes les mémoires.
La saison 2011 est une promenade de santé grâce au diffuseur soufflé mis au point par Renault. Jenson Buton offre une modeste résistance et signe une victoire ahurissante après un Grand-Prix du Canada rocambolesque où Vettel, alors leader, part à la faute dans le dernier tour en résistant au retour du Britannique. Un détail…
L’année suivante, Red-Bull et Vettel font face à des défaillances techniques : l’alternateur en première ligne. Plusieurs abandons qui coûtent chers à Vettel et permettent à Alonso de rester jusqu’au bout dans la course au titre. Après un final à suspense à Interlagos où l’Allemand part en tête-à-queue lors du premier tour jusqu’à sa remontée en sixième position, il devient l’égal d’Ayrton Senna, Nelson Piquet ou encore de Jackie Stewart ou Niki Lauda. Trois titres consécutifs ! Qui dit mieux ? Fangio et Schumacher.
2013 est à l’image de 2011. Le début de saison est compliqué mais lorsque la Red-Bull peut montrer son plein potentiel, Vettel s’échappe et on ne le revoit qu’à l’arrivée, brandissant son index et hurlant des « YEEEEEEEEEEEEEEEEEES » dans la radio. Cependant, le prodige allemand affirme son caractère en faisant fi des consignes d’équipe lors du Grand-Prix de Malaisie où la victoire semblait promise à son équipier Webber. Le fameux « multi21 »… Un quatrième titre en poche qui lui permet de devenir l’égal d’Alain Prost, vingt ans après le dernier titre du Français. Malgré une nouvelle règlementation avec l’introduction des V6 hybrides à l’architecture complexe, difficile d’imaginer une importante redistribution des cartes tant Red-Bull a su déjouer tous les pièges de la FIA.
Et pourtant, la saison 2014 ne sera pas à l’image des précédentes. Red-Bull et Vettel sont de simples outsiders face à l’outrageante domination des Mercedes d’Hamilton et Rosberg. Pis encore, Vettel se fait damer le pion par le fraîchement promu Daniel Ricciardo, qui profite des rares occasions où Mercedes connait des défaillances pour s’imposer. Trois victoires et aucune pour Vettel. Le message est clair. La relève est assurée et Vettel décide qu’il est temps de relever le challenge Ferrari. Alonso remercié, une place est libre. C’est donc dans la peau du Messie que Vettel débarque à Maranello. A l’inverse de Schumacher, il ne parviendra pas à convaincre une partie du staff autrichien de le rejoindre dans cette nouvelle aventure. Après une première saison prometteuse, couronnée de quelques succès, Vettel s’impose comme leader logique face à un Raikkönen en perte de vitesse. L’Allemand déchante la saison suivante car le Cavalino a perdu en performance et Red-Bull fait des étincelles avec sa jeune recrue, Max Verstappen. Ces deux-là vont assurer le spectacle au Mexique. Le Batave écope d’une pénalité de cinq secondes alors qu’il s’apprêtait à monter sur le podium tandis que le pilote Ferrari est sanctionné lourdement pour avoir lancé quelques noms d’oiseaux… à l’adresse du directeur de course, le regretté Charlie Whiting.
Lutte Vettel-Verstappen-Ricciardo au GP du Mexique (2016) pour la troisième place.
C’est l’Australien qui tire les marrons du feu. Vettel et Verstappen sont tous deux pénalisés.
En 2017, la voiture est bien née – mieux que Mercedes – et Vettel retrouve la route des succès. Deux victoires lors des trois premières courses. Mais des problèmes techniques (casse moteur au Japon en course et en Malaisie lors des qualifications) ainsi que des erreurs de pilotage (accrochage avec Hamilton en Azerbaidjan et au Mexique, puis accrochage avec Verstappen et son propre coéquipier en début de course à Singapour) mettront un terme à sa marche en avant. Il finit vice-champion mais le quadruple champion du monde n’a peut-être pas dit son dernier mot. C’est ainsi qu’il l’emporte dès le début de la saison suivante en Australie, histoire d’annoncer la couleur. Rebelote à Bahrain. Victime de la fougue de Verstappen en Chine, il finit huitième. En Azerbaïdjan, après un dépassement hasardeux sur Bottas, il rétrograde en quatrième position. Vettel reprend des couleurs au Canada et en Grande-Bretagne devant Lewis Hamilton. L’Allemand possède alors huit points d’avance sur le Britannique. Arrive le Grand-Prix d’Allemagne. Devant son public, le pilote Ferrari signe la pole et mène la majeure partie de la course. Vers la fin de la course, une faible averse s’abat sur Hockenheim. Et c’est lors du 52ème passage que le héros local se sort magistralement dans le Stadium, offrant une victoire inespérée à son rival. La presse italienne ne le ratera pas… Ferrari perd en performance malgré une très belle victoire en Belgique. Mercedes et Hamilton se montrent intraitables. Et Vettel multiplie les erreurs grossières : un nouvel accrochage avec Hamilton en Italie, un autre avec Verstappen au Japon ainsi qu’avec Ricciardo aux Etats-Unis. De nouveau dauphin du Britannique.
Seulement, on s’impatiente de toutes parts en Italie. Ces deux échecs, conjugués à des erreurs de débutants, ont du mal à passer. Vettel renoue avec ses vieux démons. À plusieurs reprises il s’était montré fébrile : lorsqu’il prenait un tour à des retardataires (Karthikeyan s’en souvient en 2012…) ou lorsqu’il était dans le ventre mou du peloton (Abu Dhabi en 2012, il défonce un panneau en polyester alors que la course est neutralisée). « Baby Schumi » donne le sentiment de maîtriser lorsqu’il part devant et que son matériel est au-dessus du lot.
Nouveau duo en 2019 : Sebastian Vettel (à droite) et le tout jeune Charles Leclerc (à gauche).
C’est ainsi qu’Arrivabene qui couvait l’Allemand est débarqué pour laisser place à Mattia Binotto qui « switche » Kimi Raikkönen et Charles Leclerc. Le jeune Monégasque arrive dans une écurie en pleine restructuration suite au décès tragique de son dirigeant, Sergio Marchionne. Avec une monoplace peu compétitive à l’entame de la saison face à la Mercedes d’Hamilton, Leclerc s’impose à deux reprises et Ferrari offre la victoire à Vettel à Singapour durant l’été, ce qui laisse un goût amer à Leclerc pourtant dominateur. Ce dernier a essuyé tout au long de l’année des consignes d’équipe douteuses et des décisions stratégiques relevant de l’amateurisme (comme lors de son Grand-Prix à domicile). La rivalité interne entre ces deux pilotes atteint son paroxysme lors du Grand-Prix du Brésil où ils s’accrochent lorsque Leclerc tente de dépasser son équipier. Une première dans l’histoire de la firme de Maranello ! Entre un Leclerc étincelant et ambitieux et un Vettel qui multiplie les bourdes à l’instar de la saison précédente (accrochage avec Verstappen en Grande-Bretagne), Ferrari semble miser sur son jeune espoir. Ce dernier se voit proposer un contrat jusqu’en 2024. Vettel a compris le message. On l’invite à aller voir ailleurs. Derniers tours de piste pour l’Allemand en 2020 ?
En somme, Vettel peut se targuer d’un palmarès enviable : 4 titres de champion du monde, 53 victoires et 57 pole-positions. Il a certes profité d’un matériel sur-mesure mais a eu le mérite de le conduire jusqu’à la gagne. L’Allemand, choyé chez Red-Bull, était parvenu à fédérer l’équipe autour de lui, exploit qu’il n’a pas réédité lors de ses cinq saisons à Maranello, à l’inverse de Schumacher ou d’Alonso. Il a échoué au même titre que l’Espagnol bien que disposant d’un matériel capable de rivaliser et de conquérir au moins un titre. Discret sur sa vie privée et forçat de travail avec les ingénieurs, Sebastian Vettel affiche une personnalité à deux visages : aussi bien capable de mener de bout en bout avec brio qu’auteur de bourdes énormes façon Mansell lorsqu’un grain de sable vient enrayer la mécanique. Les avis sont très partagés sur son cas et nombreux sont ceux qui pensent que les trois dernières années chez Ferrari terniront à coup sûr la réputation d’un des plus jeunes champions de la catégorie reine.
Pierre Meslait
Quatrième sacre pour Vettel à l’issue d’un Grand-Prix d’Inde soporifique (2013).
Crédits photos :
Vettel : accrochage avec Ricciardo à Austin en 2018 : Autohebdo
Vettel pilote Ferrari : francetvinfo
Vettel chez BMW Sauber : i.redd
Vettel, victoire en Italie en 2008 : racefans.net
Riffi au Mexique en 2016 : i.ytimg
Leclerc-Vettel : Lesoir.be
Quatrième sacre pour Vettel : Motorinside
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