Les budgets plafonnés, solution évoquée depuis quelques temps, tout d’abord pour rétablir l’équité sportive et désormais pour sauver la F1, peuvent permettre de repenser l’économie et le fonctionnement de l’ensemble du paddock.
Depuis le retour en 2017 des châssis haute performance en F1, le constat est simple : seules 3 écuries ont connu les joies de la victoire en 62 Grand Prix et il a même fallu attendre le 56ème Grand Prix sous ce règlement, Singapour 2019, pour voir une voiture autre que Red Bull, Mercedes ou Ferrari simplement mener une course. Un règlement qui a créé un fossé entre le top 3 et le reste, causant la mort de Manor et mettant tour à tour Sauber, Williams, Force India et Haas dans des difficultés financières graves. Alors la F1 a décidé d’intervenir, pour sauver ses écuries et son spectacle, en décidant de budgets imposés à 175M$ pour 2021. Sauf que depuis, la crise du coronavirus a changé la donne et le revenu des équipes est encore moindre par rapport à avant.
Pour comprendre l’ampleur de la crise actuelle, il faut se pencher sur les ressources des écuries. En effet, on peut identifier 5 sources de revenus pour les écuries :
- Le prize-money donné par la FOM, lui-même découpé en trois parties : une fixe de 35M$, une axée sur les résultats de la saison et une partie bonus pour les teams historiques (appliquée depuis les Accords Concorde de 2010)
- Les sponsors (de 20M$ pour Haas à 165M$ pour Ferrari)
- Les propriétaires de l’écurie
- Les partenaires techniques de premier plan
- Éventuellement les pilotes (ce qui ne concernait seulement Williams et Racing Point en 2019)
Or, le prize-money sera drastiquement réduit, puisque le nombre de courses l’est déjà à l’heure actuelle et que bon nombre d’entre elles se dérouleront à huit clos. De même, quel sponsor voudra payer intégralement ce qui était prévu alors que la saison n’est pas complète, sans compter que bon nombre d’entreprises présentes en F1 tacheront déjà de ne pas disparaitre, faisant naturellement passer le sponsoring au second plan. Et les propriétaires des écuries ne peuvent plus assumer seuls le bon fonctionnement des écuries. C’est dans ces conditions que furent évoqués trois scénarios bien plus drastiques que les 175M$ initiaux : 150M$, 125M$ ou 100M$.
Trois propositions que Red-Bull et Ferrari ont rejetées en bloc, avec des arguments tous moins convaincants les uns que les autres. Et pourtant, ces trois propositions, notamment les propositions les moins “onéreuses”, permettraient de sauver à terme l’ensemble du paddock. Si le prize-money de la FOM devrait revenir à la normale au cours des années qui arrivent, les projections concernant les revenus liés au sponsoring sont bien moins enthousiastes puisque l’on parle aujourd’hui d’une division par deux de ce que toucherait la plupart des écuries au cours des cinq prochaines années. Ainsi, l’énorme gâteau d’1 milliard de dollars ($), distribué par la FOM et que se partagent les 10 écuries, deviendrait la principale source de revenus et c’est ici que tout doit changer. La partie bonus attribuée à certains teams doit être abandonnée et les 700M$ restants doivent être partagés de façon plus équitable entre les écuries, se basant sur le modèle de la Premier League pour que chacun des teams gagne entre 65M$ et 75M$ afin que cela représente, selon le cap budgétaire retenu, entre 45 et 75% du budget des teams contre 30 à 50% aujourd’hui. En prenant en compte un apport des sponsors et des partenaires techniques qui, selon les projections actuelles, serait en moyenne de 40M$ par écurie, la part que chaque propriétaire devrait mettre sur la table chaque année serait alors deux fois moins importante qu’à l’heure actuelle dans le pire des scénarios, et quasiment nulle dans le meilleur. Seul le salaire des pilotes et des trois plus hauts membres de l’équipe seront alors à la charge du propriétaire. Un système qui pourrait permettre de supprimer la présence de pilotes payants mais qui pourrait surtout permettre de voir à long terme.
En réduisant les budgets que les écuries sont autorisées à dépenser, cela permettrait à terme de ne pas reverser tout le prize-money aux 10 écuries de F1 et d’en conserver une partie, notamment en cas de nouvelles entrées au championnat du monde mais surtout pour reverser aussi de l’argent aux écuries de F2 et de F3. Actuellement, ces écuries réclament un apport de budget provenant des pilotes de 3M$ par baquet pour la F2 et de 1.5M$ pour la F3, somme bloquant bon nombre de bons pilotes ne pouvant régler ses sommes insensées (on parle de jeunes de 16 à 19 ans majoritairement). En laissant Liberty Media régler la note, les promoteurs de la F1 ainsi que les écuries de la catégorie reine pourraient permettre aux écuries de F2 et F3 de ne choisir leurs pilotes que sur le talent et non sur leur sponsors, permettant d’éviter l’arrivée de Raghunathan et autre Gelael.
Cette idée est certes peu probable mais elle esquisse un modèle qui à terme ferait de la F1 une catégorie où les 10 teams auraient tous une chance de performer et où les 20 pilotes seraient réellement les 20 meilleurs au monde. Les nouveaux Accords Concorde ne sont pas seulement l’une des seules chances de sauver la discipline sous son fonctionnement actuel mais aussi l’une des dernières de lui permettre de devenir ce qu’elle rêve d’être depuis 15 ans maintenant.
Clément Chatellier
Crédits photos
Christian Horner, Toto Wolff et Mattia Binotto : eurosport.fr
Projet F1 2021 : Autoplus.fr
Mahaveer Raghunathan : WTF1.com
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